TCO

Acheter une solution d’Analytics (comme tout pour tout autre domaine) est un acte de gestion, qui impactera significativement vos résultats et requiert donc concentration, rigueur et capacité de projection. Les acteurs de la négociation sont un acheteur et des vendeurs.

  • Si je suis vendeur mon intérêt est de toujours amener l’acheteur à adopter mon propre schéma de raisonnement pour dérouler mon argumentaire, articulé autour de mes points forts. Je possède un fil rouge qui me permet de toujours revenir sur la voie tracée et balisée par mon service marketing ou mon VP Sales.
  • Mais si je suis acheteur mon intérêt est au contraire de sortir de cette voie trop bien tracée et d’amener le vendeur à faire du hors-piste. Pour cela, je dois entraîner le vendeur sur un terrain que je maîtrise et qui n’est pas dans son schéma. Je dois donc veiller à toujours garder l’initiative : moi seul fixe le cap.
  • Le point de départ n’est en aucun cas la solution proposée, mais mon besoin : la première étape est donc de définir avec précision le besoin.

Le besoin doit être exprimé en termes fonctionnels, avec précision et sur des critères qualitatifs et quantitatifs (présence, limitations, coûts explicites et coûts connexes, non seulement externes mais aussi internes.

Qu’est-ce que le TCO ?

Le « Total Cost of Ownership », ou Coût Total de Possession,  présente l’avantage d’étudier non seulement l’achat initial mais le coût global sur le cycle de vie du produit (ou du service).

Il prend donc en compte, outre le coût d’acquisition, les coûts directs et indirects de fonctionnement, de formation,  d’évolution/mise à jour, de maintenance/administration, et de support/assistance.

Pour avoir une première idée, souvenez-vous de ce vendeur automobile qui vous a proposé un comparatif entre achat, LOA (Location avec Option d’Achat)  et LLD (Location Longue Durée).
C’est un premier pas vers le TCO, prenant en compte l’entretien, l’assistance et l’assurance.

Ajoutez à cela la consommation d’essence, le parking, le lavage, éventuellement les réductions de coûts liés à du co-voiturage avec votre voisin, le prix estimé de revente du véhicule et vous commencerez à approcher votre TCO…

Le calcul du TCO d’une solution Online Analytics

Calculer le TCO implique donc d’étudier la solution bien au-delà d’un simple cahier des charges techniques. Il contraint à évaluer la solution en termes plus qualitatifs, et nécessite la prise en compte de coûts liés d’une part à son utilisation dans le temps et d’autre part à son incidence sur des tâches (et donc des coûts) connexes.

Dans le domaine des Technologies de l’Information, l’étude prévisionnelle du TCO couvre en général trois ans.

Compliqué ? Non, j’emploierai plutôt le terme « rigoureux », dans la définition des besoins (présents et prévisionnels) et la liste de tous les coûts liés à leur satisfaction.

En amont,  la définition précise du besoin

Il est donc très important de coupler un calcul de TCO avec une analyse fonctionnelle rigoureuse. En effet, une simple réponse oui/non est nettement insuffisante car elle cache des disparités importantes, et qui se traduiront par des coûts supplémentaires et/ou des manques à gagner  parfois très importants (segmentation, temps réel, etc.)

Arrêtons-nous un instant sur la notion de coût.

Nous avons souvent tendance à ne considérer que les montants facturés par le prestataire. Si c’est en effet une partie importante du coût, nous verrons dans cet article que cela peut aussi être l’arbre qui cache la forêt.

Principaux pièges révélés par le TCO (et conseils de résolution)

Piège n°1 : mode de facturation et assiette de calcul, des écarts considérables

Le mode de facturation semble en apparence simple et uniforme : les prestataires facturent les appels serveurs (server calls) selon une grille tarifaire établie par paliers quantitatifs.

En conséquence, la comparaison se borne généralement à comparer la tarification pour une même tranche volumétrique : Pour 10 millions d’appels serveur, tel prestataire facture x€ alors que tel autre facture y€,  il nous suffirait donc de choisir le tarif le plus bas ?

Grossière erreur : alors que tout cela semble transparent il existe des différences très importantes sur le nombre d’appels serveurs comptabilisés pour un même contenu.

  • D’une solution à l’autre,  le simple affichage de la page d’accueil peut « peser » 5 fois plus d’appels serveurs (AS).
  • Pour une transaction, certaines solutions comptent 1 appel serveur alors que d’autres comptent 1+nb d’articles contenus dans le panier (par exemple, une transaction avec 4 articles comptera pour 1+4=5 AS).
  • Autre source d’écarts, les « évènements » : le cas le plus fréquent (et volumineux) concerne les clics. La quasi-totalité des solutions comptabilisent 1 clic=1 AS, quand AT Internet compte 1 clic=0.5 AS
  • Bien plus important encore, les affichages publicitaires, les ouvertures d’emailing, l’actualisation de flux RSS, les podcasts, etc. AT Internet ne compte que 0.1 AS

Comparer la grille  tarifaire est ainsi loin d’être suffisant, car selon le protocole de calcul, des grilles tarifaires pourtant identiques révèleront des écarts très importants.

Exemple : Considérons une séquence simple : un e-mailing ouvert 20 000 fois génère 1 000 visites sur la page A contenant 4 bannières pub. 460 vont sur page B (3 bannières), 320 sur page C (3 bannières), et 220 quittent le site en cliquant sur des pubs.

Décompte des Appels Serveur, concurrence et AT Internet :

TCO webanalytics

Les données ci-dessus montrent d’une part la répartition des actions (appels serveurs réels) et d’autre part ce que vont vous facturer AT Internet ou ses concurrents. Dans notre exemple, quand nos concurrents vous facturent 30900 appels serveurs, AT Internet ne vous en facture que 5628. On peut aisément imaginer ce que cela représente à l’échelle d’un site. Tous les types de sites sont concernés, avec un écart encore plus important si vous mesurez rich media, vidéo, podcasts, flux rss…

Conseil n°1 : exigez la grille des appels serveurs, faites une projection sur la grille tarifaire de chaque prestataire, et comparez !

Piège n°2 : durée et coût d’implémentation de la solution, les coûts masqués

Certaines solutions sont bien connues (pour ne pas dire légendaires) pour accaparer des mois pour la seule implémentation initiale des marqueurs.

On ne peut se contenter de souffler en pensant à la perte de temps : le calcul du TCO vous contraint de chiffrer non seulement la prestation d’implémentation (comparer le nombre et le tarif jour/homme  de chaque solution) mais également vos propres jours/homme (technicien et chef de projet) que vont vous coûter ce délai qui empêche vos intervenants de travailler sur des tâches plus productives. Et ce chiffrage monte très, très rapidement.

Conseil n°2 : exigez un engagement ferme sur un délai d’implémentation, chiffrez les propositions puis calculez vos ressources internes qui seront mobilisées pour cela, et ajoutez-les au coût annoncé pour chaque solution.

 Piège n°3 : support, assistance et SLA (Service Level Agreement) ?

Le TCO, en nous invitant à calculer le coût réel du support client de chaque prestataire, pointe du doigt la continuité (ou discontinuité) du service.

La question posée, relative au coût du support (il est gratuit pour AT Internet) invite à aller plus loin dans l’aspect qualitatif : quels interlocuteurs (support internalisé ou sous-traité ?) quelle disponibilité, quel délai de réaction/intervention, etc., de même que le périmètre d’intervention : au-delà de la simple résolution de bugs, une véritable assistance est-elle proposée ?

Car de ces facteurs qualitatifs dépendront aussi les coûts : vos résultats seront impactés par les délais de résolution de problèmes, et même parfois tout simplement un délai pour répondre à de simples questions peut désorganiser votre gestion du temps. Chacun sait ce que peut lui coûter la mobilisation d’une équipe qui devrait se concentrer sur l’amélioration des profits et non sur la résolution d’un problème : le manque à gagner est aussi une forme de coût.

Le dernier point à étudier est la proximité entre centre support et équipes produit. Un support interne échangera nécessairement avec les équipes marketing/technique/développement et leur remontera de précieuses informations (=insights, continuous improvement), alors qu’un support sous-traité ne partage pas d’objectifs communs et reste concentré sur son propre business.

« According to Forrester Research AT Internet has “the highest level of satisfaction with technical support responsiveness, knowledge of support staff and ability to resolve issues.” 

Plus globalement, le SLA (Contrat de Niveau de Service), quand il existe, peut révéler des écarts significatifs. Si la garantie au niveau de la collecte des données est généralement à 99,9%, celle concernant la mise à disposition des rapports et surtout la fraicheur des données, le temps réel et la réactivité du support sont plus différenciées. Certains niveaux de SLA sont gratuits, d’autres payants.

Conseil n°3 : examinez en détails le  support client proposé, exigez un contrat de niveau de service, et valorisez les écarts constatés d’une solution à l’autre.

De nombreux autres gisements de coûts

Dans la litanie de tous les coûts additionnels liés à des limitations fonctionnelles, j’en citerai quelques-uns, en vous laissant le soin de compléter la liste :

  • url supplémentaires
  • utilisateurs supplémentaires
  • segments supplémentaires
  • rapports supplémentaires
  • requêtes API supplémentaires
  • le niveau de SLA
  • améliorer la précision du temps réel (lire l’article « Temps réel : gadget ou ROI maker ? »)
  • limiter/annuler le sampling (lire l’article « le mythe du sampling vertueux »).
  • Etc.

Mis bout à bout, ces coûts représentent des montants très conséquents.

 Conclusion

Si les coûts cachés sont légion, il est somme toute assez simple de les traquer, pour peu que l’on se concentre sur son besoin réel et précis. Le TCO est d’une aide précieuse, il est l’un des éléments clés dans le processus plus global visant à choisir une solution d’Analytics.

Author

Knowledge Manager Formé aux achats et à la gestion par Carrefour, à la vente par Procter & Gamble, JM a évolué dans la grande distribution à des postes de direction pour de grands groupes en hypermarché, centrale d’achats puis logistique, avec une expérience expatriée en Afrique en qualité de Directeur Central. Fin 1995, JM crée une start up internet puis après trois ans (fin 1998) rejoint l’équipe AT Internet d’Alain Llorens dans laquelle il prend des responsabilités commerciales et est au cœur de l’aventure pionnière du Web analytics. A près de 55 ans et 13 ans d’ancienneté, JM exerce (depuis 2009) la fonction de Knowledge Manager."

10 Comments

  1. Je ne connaissais pas cet outil et c’est quelques peu compliqué tout de même sans une bonne notion de comptabilité. Auriez-vous une tuto à proposer ou un guide pratique pour que l’on puisse vraiment se pencher sérieusement sur ce TCO?

  2. Jean Marie Camiade

    Bonjour,
    Le calcul de TCO est plus une méthode qu’un outil. Les coûts varieront (par définition) pour chaque produit/service étudié. Les intangibles sont la liste et le chiffrage de tous les coûts, directs et indirects, sur tout le cycle de vie du produit.
    C’est donc sur cette liste qu’il convient de travailler pour chaque cas étudié.

    Exemple pour l’achat d’une voiture :
    Deux véhicules au choix, le A possède un kit Parrot (GPS + téléphonie) intégré alors que le B l’a en option (et vous en avez absolument besoin), ce qui vous coûtera 500€ de plus.
    Le vendeur A vous propose un carnet de remises entretien d’une valeur de 300 €.
    Quand vous lui faites remarquer que son véhicule consomme 4.5 L/100km contre 3,5 L/100km pour le B, il vous accorde un chéquier essence de 300 €.
    Cela représente donc un avantage cumulé de 1100 € en faveur de A
    Quel véhicule acheteriez-vous ?

    Le TCO vous montre que cela dépendra de deux facteurs : kilométrage annuel et durée d’utilisation.
    – si vous roulez 15000 km/an, il faut acheter A
    – si vous roulez 35000 km/an et ne gardez la voiture qu’un an, il faut acheter A (-585 €)
    – si vous roulez 35000 km/an et gardez la voiture deux ans, A ou B se valent (à 50€ près)
    – si vous roulez 35000 km/an et gardez la voiture trois ans, il faut acheter B (-475€)

  3. Margret

    Merci déjà pour ce partage! Le coût global sur le cycle de vie d’un produit mérite en effet d’être passer à la loupe déjà pour voir objectivement s’il est rentable ou non (à moyen ou long terme)et par la même occasion de pouvoir prendre plus au sérieux toute décision d’achat.

  4. Jean Marie Camiade

    Merci Margret pour votre commentaire. Le sujet est à la fois très utile et très complexe, c’est pourquoi existe le métier d’acheteur. Pour rester sur l’exemple de l’automobile, j’ai retenu un coût fixe pour le carburant, supposé une égalité sur l’assurance et l’entretien, et n’ai pas tenu compte d’un possible écart de valeur à la revente, par exemple. On imagine aisément l’importance du TCO à l’échelle d’une entreprise, ne serait-ce que pour l’achat de matériels, logiciels et services associés. Dans notre domaine le (supposé) simple achat d’une solution de digital analytics est truffé de coûts cachés… On peut supposer qu’il en va de même dans de nombreux autres domaines, et à défaut de recruter un véritable acheteur (ce que je fus (aussi) dans ma vie non digitale), la démarche du TCO a le mérite d’être à la portée de tous.

  5. Bonjour,
    Excellent article, je suis un contrôleur de gestion et j’ai déjà étudier l’analyse des coûts cachés dans un système de gestion en entreprise. Mais ce qui me passionne c’est d’appliquer le contrôle de gestion sur la gestion d’un site ou une plateforme web. J’ai déjà remarqué sur le site Amazon ou je vends mon e-book qu’il calcule plusieurs choses comme le poids et la taille de livre, la charge de la bande passante…Je crois que pour réussir dans ce domaine il faut étudier le contrôle de gestion et le développement web pour réussir et détecter les coûts cachés pour un service ou produit sur le web.

  6. Jean Marie Camiade

    Merci pour votre commentaire. En effet, la gestion est un de ces concepts supra-disciplinaires qui ont été balayés par la vague digitale, mais on voit bien qu’on y revient… Il suffirait qu’on lui trouve un nouveau nom à consonnance bien anglo-saxonne pour le rendre plus digeste, et qui sait, le replacer au-dessus de tous les micro concepts qui s’emplient au gré de l’imagination sémantique des acteurs du moment. Pour paraphraser un mot célèbre, tout est gestion et la gestion est tout… Et l’analyse en est un des fondements principaux.

  7. Une analyse édifiante et instructive en tout cas! Vous avez réussi par des mots assez simples de nous lever le voile sur ces fameux coûts cachés et je vous en remercie!

  8. Merci pour ce tuto très complet texte & images, ça fait plaisir et on comprend mieux, même les débutants peuvent mettre en ouvre quelque conseils en pratique.

  9. Jean Marie Camiade

    @Tenisha
    Merci pour votre commentaire, très gratifiant pour un knowledge manager…

  10. Jean Marie Camiade

    Merci à vous d’avoir pris la peine d’exprimer votre satisfaction, il est toujours très utile pour l’auteur d’un billet d’obtenir un feedback argumenté.