Stéphane Vivet est directeur marketing digital et content marketing chez Infopro Digital, un groupe média BtoB, leader de l’information et des services professionnels. Présent depuis plus de vingt ans dans le web, il fait ses premières armes dans le SEO avant de prendre en charge des projets de digitalisation plus globaux dans les secteurs de la banque, du e-commerce ou encore des médias. Depuis neuf ans au sein du groupe, il a pour mission de construire les stratégies web, de développer les audiences et les conversions tout en structurant les équipes et les pratiques autour de la donnée. Depuis quelques mois, il gère une équipe CRO (Conversion Rate Optimization) au sein d’une DSI web transversale et conduit tous les projets du groupe autour de la web analyse, de l’A/B testing et du SEO. 

Dans cet entretien, il revient sur les raisons et les principaux enjeux qui ont motivé Infopro Digital à déployer rapidement la Mesure Hybride sur une centaine de sites web et d’applications mobiles du groupe. Il évoque aussi les différentes étapes de mise en œuvre du projet, les difficultés rencontrées et les résultats analytiques observés à ce jour. 

 

Pouvez-vous nous présenter rapidement le groupe Infopro Digital ? 

Infopro Digital est un groupe media BtoB, leader de l’information et de services professionnels. Il est composé de plus de 3 600 salariés répartis sur une vingtaine de pays. Le groupe est régulièrement cité comme étant l’une des meilleures entreprises de la tech française et des éditeurs de logiciels. Nous connaissons depuis plusieurs années une forte croissance externe en raison d’une importante politique de diversification. Cette démarche est symbolisée par de nombreux rachats d’entreprise, à l’image du Moniteur en 2013 et de Companeo en 2018.

 

Et comment l’entreprise est précisément structurée en interne ? 

Nous sommes organisés en Business Units (BU), qui correspondent généralement à des activités (ex : l’Industrie) ou à des métiers spécifiques comme la génération de leads, l’événementiel, la formation, les médias, etc. La DSI Web, dont dépend mon équipe CRO, est un pôle transversal au groupe qui fournit à l’ensemble des BU toutes les compétences adéquates en matière de développement technique et d’accompagnement en UX/UI, en SEO ou encore en web analyse. 

 

À ce jour, combien de vos sites sont équipés de la solution analytics AT Internet ? 

Aujourd’hui, nous avons environ 650 sites web au sein du groupe, qui constituent une grande mosaïque d’outils et de technologies. Parmi eux, il y a des sites plaquettes ou des sites middle-office – type extranet – qui n’ont pas besoin nécessairement d’un suivi spécifique en termes d’analyse. Raison pour laquelle le passage sous AT Internet se fait de manière progressive, au gré des opportunités de projet ou des nécessités et des attentes des différentes BU. Actuellement, environ 120 sites web embarquent l’Analytics Suite.

 

Comment avez-vous accueilli le RGPD en 2018 et quelles actions avez-vous entreprises ? 

En tant que leader de l’information professionnelle, le groupe a pris dès le départ le sujet du RGPD très au sérieux. Ainsi, bien avant 2018, l’ensemble des collaborateurs d’Infopro Digital a été embarqué dans cette démarche de confidentialité et de protection des données. Une campagne de sensibilisation à destination de tous les salariés a été lancée en interne, avec la diffusion de plusieurs webinars et la réalisation de questionnaires tests. Cette évangélisation se poursuit encore aujourd’hui. L’enjeu est d’informer toutes les équipes sur les bonnes pratiques et les prérequis du RGPD, et surtout de les faire appliquer. 

 

Pourquoi êtes-vous particulièrement sensibles à la question de la protection des données ? 

Au sein de la DSI web, nous disposons d’un énorme pôle de développeurs car nous avons fait le choix d’internaliser les compétences et de concevoir nos propres technologies. Par exemple, nous réalisons nous-mêmes nos outils de récolte de données sur le comportement de nos internautes. Nous y tenons car nous souhaitons personnaliser l’expérience de nos utilisateurs et de nos clients pour répondre au mieux à leurs attentes. Les forts enjeux business que nous avons entraînent donc une collecte massive de données sur nos utilisateurs, parfois sensibles, à commencer par la présence de nombreuses bases e-mailing. Il est donc indispensable de maîtriser toutes ces datas en respectant constamment des règles strictes d’hygiène et de confidentialité.

 

Depuis le 1er avril 2021, il est impératif de respecter les lignes directrices de la CNIL relatives aux cookies et traceurs. Quels étaient pour vous les principaux enjeux de la mise en conformité ? 

Avant l’application des directives de la CNIL, notre objectif premier était de « limiter les dégâts », de sauver nos données et de préserver nos revenus publicitaires. Suivant ce raisonnement, notre premier enjeu était avant tout commercial. Nos chiffres d’audience d’AT Internet certifiés ACPM sont de véritables arguments de vente pour toutes nos équipes Sales. Nous sommes hyper pointus dans un très grand nombre de secteurs et d’industries, sur des populations de décideurs que nous ciblons précisément. Il fallait donc absolument préserver cet actif.  Nous avons également de très nombreux sites de génération de leads, pour lesquels l’audience est un enjeu fort car à la base de toute conversion. Notre deuxième enjeu était lui beaucoup plus analytique. Il s’agissait de conserver une bonne compréhension de la navigation et du comportement de nos internautes. Sur ce volet, nous avons perdu un peu de précision dans les données. En effet, l’exemption CNIL de cookies fonctionnels et analytiques nous aide dans le maintien de nos services en ligne mais nous ne pouvons pas récupérer la granularité des données que nous avions auparavant. 

 

Et, comment avez-vous procédé pour mettre en conformité 650 sites ? 

Tout d’abord, nous avons sélectionné un partenaire fiable – DIDOMI en l’occurence – pour déployer une Consent Management Platform (CMP) sur l’ensemble de nos sites. Ensuite, avec un environnement numérique de 650 sites, nous étions contraints d’envisager l’approche de manière assez industrielle. Nous avons donc défini des groupes de sites qui ont des enjeux ou des objectifs communs et les avons synthétisés en une trentaine de notices qui pouvaient cependant présenter un affichage et un message différents. 

Dans un deuxième temps, nous avons configuré tout le taggage AT Internet sur la centaine de sites équipés de la solution Analytics Suite, de manière à assurer les déclenchements en fonction des consentements des utilisateurs. Centraliser la gestion de nos tags par types de sites nous a permis de gagner en efficacité. Néanmoins, comme l’industrialisation a ses limites, nous avons dû faire face à quelques difficultés en raison de la diversité des vendors et des objectifs par site. Ces particularités ont nécessité des méthodes d’implémentation variées et un gros travail de recette et de validation en amont.

 

Comment s’est déroulée l’implémentation de la solution de Mesure Hybride ? 

Nous avons mis en place la solution de Mesure Hybride en février/mars 2021 donc peu de temps avant la date butoir de la CNIL. Lors d’un atelier, auquel j’ai convié plusieurs profils chez nous (directeurs techniques, marketing et notre DPO), les consultants AT Internet nous ont présenté les bénéfices de cette solution hybride. D’emblée, nous avons été séduits par cette opportunité car elle répondait bien à nos besoins. Au-delà de l’exemption, activée par défaut, c’est la possibilité de faire perdurer une mesure fiable, saine, propre dans laquelle on peut raccrocher à la fois les wagons du monde exempté et ceux du consentement pour obtenir des informations plus granulaires sur nos utilisateurs. Pour implémenter la méthode de collecte, nous avons revu l’ensemble des configurations des tags et des librairies .js d’AT Internet sur tous nos sites, de quoi bénéficier des dernières évolutions et fiabiliser la remontée de nos données. Pendant de longues semaines, nous avons beaucoup échangé avec les équipes support d’AT Internet qui, bien que très sollicitées, nous ont parfaitement accompagnés dans la compréhension des éléments d’exemption et dans le paramétrage technique de la solution. 

 

Quels résultats observez-vous depuis la mise en place de la Mesure Hybride ? 

Avec la Mesure Hybride, nous conservons une très bonne appréciation de nos audiences globales. Aujourd’hui, nous préservons quasi 100 % de nos données de trafic exemptées de consentement. On peut alors savoir à minima combien de personnes sont venues sur nos sites dans la journée et combien de pages ont été consommées. L’audience est un des gages de fiabilité et de réputation de nos médias. 

Avec le refus des cookies non exemptés, il y a tout de même des indicateurs spécifiques qu’on ne peut plus suivre comme avant. Mais, finalement, cela nous permet de mieux nous concentrer sur nos publics cibles. Enfin, en revanche, l’opt-out complet est quasi inexistant. 

 

Justement, sur quels types d’indicateurs êtes-vous plus à l’aveugle ? 

Nous perdons en finesse d’analyse sur des détails, sur des niveaux de navigation, dans la précision des comportements de nos utilisateurs ou encore dans le suivi de leur statut (logué / non logué). Nous nous restreignons dans nos capacités de segmentation car nous voulons à tout prix éviter l’individualisation dans les statistiques. Or, à force de recouper, nous pourrions obtenir qu’une seule session et un seul visiteur unique à la fin de l’analyse.

 

Quels sont les prochains grands projets à venir en matière de privacy ? 

Nos prochains projets sont tournés vers l’optimisation de toutes nos interfaces. Côté publicité, les enjeux sont d’améliorer les expériences de nos internautes, dans le respect de leur choix de consentement. La tâche est ardue car nous devons contenter à la fois nos annonceurs, qui souhaitent être le plus visible possible, et nos utilisateurs qui souhaitent bénéficier d’un produit à haute valeur ajoutée, éthique et non intrusif. D’où l’importance d’analyser le contexte et tous les indicateurs de web analyse pour prendre les bonnes décisions d’évolutions des sites, de manière notamment à adresser les bons messages publicitaires, à la bonne personne et au meilleur moment.

Peut-être un dernier mot ou conseil à adresser à la communauté digitale sur le volet de la mise en conformité ? 

Si j’avais un conseil à donner, ce serait d’être particulièrement vigilant aux impacts de la mise en conformité. Lors de la mise en règle de notre solution analytics, nous n’avions pas pris en compte initialement des détails techniques et ces derniers ont entraîné des répercussions significatives dans la compréhension des performances de nos campagnes publicitaires. Par exemple, certaines données de tracking de campagnes peuvent ne plus remonter dans une configuration spécifique. 

Enfin, je souhaite remercier AT Internet pour avoir su parfaitement accompagner le monde digital français dans la compréhension du sujet privacy avec notamment une série de webinars intéressants et très creusés.

Author

Responsable éditorial, Fabrice pilote la rédaction des contenus francophones d’AT Internet sur tous ses supports numériques et print. Fort de plus de 10 ans d’expérience en conseil en stratégie éditoriale, création de contenus et gestion de projets de Content Marketing, il aime adapter sa plume en fonction de chaque public et vulgariser des sujets complexes.

Comments are closed.